Les carnets noirs de Moleskine, une innovation de papier?

Qui peut dire encore que le papier est mort ? Qui peut encore affirmer que notre avenir sera totalement dématérialisé, que nos livres et nos vieux carnets de notes ne valent plus rien face aux tablettes ? Après l’introduction en bourse de la société Moleskine, plus grand monde ne se risquera à tenir de tels propos. Les petits carnets noirs, adulés par Hemingway, Chatwin ou Picasso (c’est en tout cas ce qu’affirme la marque), se sont imposés en quinze petites années comme un objet très tendance auprès d’un public ciblé. Moleskine (nom donné par l’écrivain Chatwin) constitue même l’un de plus beaux come-back industriels de ces dernières années. L’entreprise affiche un chiffre d’affaires de près de 80 millions d’euros et affirme avoir écoulé 13 millions de carnets à travers le monde.
Ce bulletin de note est d’autant plus remarquable que, dans une période où l’innovation est beaucoup portée par le numérique, Moleskine a réussi à imposer un produit presque sans technologie : les principaux atouts de ces carnets haut de gamme sont un élastique et une poche à soufflet…
Comment expliquer alors l’engouement que suscite ce produit sur un marché de la papeterie ultra-encombré ? Par au moins trois raisons. D’abord, l’histoire mythique de ce carnet. Longtemps produit en France par un papetier de Tours (qui a déposé le bilan en 1985), le petit carnet noir a conservé une aura particulière, incarnée par les plus grands artistes et écrivains. L’intelligence de ses nouveaux patrons a donc été de miser à fond sur ces codes (en conservant la couverture lisse, la qualité du papier et le soufflet) pour relancer la marque. Comme ils le disent eux-mêmes, ils ont su travailler sur leur héritage et ne pas le renier. Soit dit en passant, ce travail fut d’autant plus facile que les illustres utilisateurs de carnets Moleskine cités dans la publicité avaient l’immense avantage de ne plus être de ce monde… et donc de ne pouvoir s’opposer à leur instrumentalisation.
Le deuxième levier qu’a actionné le nouveau Moleskine, c’est la distribution. Là où tous les papetiers se battent pour être présents dans les grandes surfaces, le célèbre carnet noir a choisi de cultiver sa rareté. Pour le trouver, il faut se rendre dans des papeteries ou des sites Internet spécialisés. Ce choix d’une distribution sélective a à la fois confirmé et contribué à maintenir le positionnement haut de gamme du produit.
Enfin le troisième et dernier levier que la nouvelle maison Moleskine a cherché à actionner, c’est le maillage papier/digital. Alors que les applications de prise de note fleurissent sur les appstore, Moleskine a choisi aussi de s’y engouffrer. Il a lancé sa propre application et vient surtout de nouer un partenariat intéressant avec l’un des champions du domaine evernote. Moleskine a créé des carnets de note physiques qui peuvent facilement être scannés avec l’appareil photo d’un téléphone ou d’une tablette. Une manière de digitaliser le papier tout en conservant ses habitudes des prises de note à l’ancienne… Un rêve de journaliste !
Source : http://www.industrie-techno.com/materiaux-chimie