Matério décloisonne l’innovation matière
Ce qui a été développé pour un secteur industriel précis peut servir à d'autres. Ce principe, la plate-forme Matério, basée au Lieu du Design, à Paris, l'a bien en tête. Elle met à la disposition de ses adhérents un catalogue de près de 7 000 références de matières innovantes, recensées parmi environ 4 500 industriels. Cette base de données est complétée par une échantillothèque où les designers et chargés d’innovation peuvent venir voir et manipuler les produits.
Obtenir l’échantillon d’un matériau innovant n’est pas une sinécure. Quentin Hirsinger, qui préside Matério depuis sa création en 2000, en témoigne : « notre record personnel est de huit ans », ironise le responsable en montrant le produit en question, une sorte de rouleau de scotch qui prend spontanément la forme d’un tube lorsqu’il est déroulé. A ses débuts, cette innovation du britannique Rolatube était utilisée par l’armée pour construire des antennes de télécommunications improvisées.
Les demandes successives de Matério pour recevoir des échantillons restent sans réponse. « On rencontre beaucoup d’inertie lorsque l’on contacte un nouvel industriel, non pas par méfiance mais par manque de disponibilité », généralise Quentin Hirsinger. C’est finalement par l’entremise de McLaren, l’un de ses adhérents également intéressé par la matière, que la matériauthèque obtiendra enfin un exemplaire du produit.
Au moment d’inclure une nouvelle référence, les « veilleurs » de Matério s’interrogent sur l’aspect singulier ou non de la découverte. « Si le matériau est le seul à pouvoir répondre à une question précise, alors c’est une bonne piste », explique le co-fondateur de la plate-forme parisienne.
Le recensement se veut donc moins exhaustif qu’une matériauthèque traditionnelle. Son autre particularité est de ne pas recevoir de financement de l’industrie, hormis par le biais des adhésions, afin de garantir une sélection indépendante des nouvelles matières. Des partis pris qui n’empêchent pas Matério de détecter au moins une nouvelle application par semaine, souvent très technique : béton translucide ou dépolluant, peintures autonettoyantes, mousses métalliques…
Aider au décloisonnement de l’industrie
Si les deux créateurs ne peuvent pas encore nommer de success stories, le modèle semble faire école, avec déjà trois showrooms inaugurés en Europe (Belgique, République Tchèque et Slovaquie). Deux nouvelles antennes sont en bonne passe d’être créées au Canada et aux Etats-Unis.
C’est en misant sur le décloisonnement industriel que la structure espère faire date. Quentin Hirsinger cite comme modèle le géant 3M, dont les produits ont essaimé pour toutes sortes d'applications, de la fourniture de bureau à la cosmétique ou la biométrie, en passant par l’élevage animal. « Il y a encore une certaine schizophrénie de la part des industriels français, souvent très intéressés face à l’opportunité d’un nouveau marché, mais frileux à passer le cap, malgré la crise ».
Pour commencer, les adhérents de Matério peuvent déjà profiter d'une nouvelle version de la base de données en ligne, qui se veut plus participative qu'avant : ils auront en effet la possibilité de créer eux-mêmes leurs fiches produit, et de les agrémenter via les réseaux sociaux (Pinterest, tags…).
Source : http://www.industrie-techno.com/materiaux-chimie
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