Inauguration du plus grand radiotélescope du monde

La démesure semble la norme au Chili. Sur ces hauteurs, précisément dans le désert d’Atacama, se succèdent télescopes et observatoires tous plus grands et puissants les uns que les autres. Le nouveau se nomme ALMA et a été inauguré il y a deux jours.
Dans cette région du Chili sont concentrés le VLT ou Very Large Telescope (au Cerro Pananal), l’ALMA et bientôt le EELT, European Extremely Large Telescope, encore en construction. Tous en altitude sur le désert d’Atacama. Ils ne sont pas seuls : on y trouve aussi le célèbre observatoire de La Silla, composé de plusieurs coupoles. L’un des deux télescopes Gemini au miroir de 8 mètres, l’autre étant à Hawaï ; La Campanas, formé actuellement de deux télescopes de 6 mètres - il est en agrandissement et en 2020 il sera composé de 7 miroirs de 8,4 mètres disposés en pétales.
Pourquoi une telle concentration de haute technologie astronomique ici ? Le désert d’Atacama est la région la plus aride de la planète (entre 0,8 mm et 50 mm de pluie par an). Elle ne subit aucune pollution lumineuse et dispose d’un ciel clair presque toute l’année. Il y fait en moyenne entre -5° la nuit et +25° le jour. Dans ce désert du nord du Chili, situé entre 2’500 et 5’000 mètres d’altitude, la Nasa a testé ses véhicules martiens avant de les envoyer dans l’espace.
Pour se faire une idée de la région, voici quelques phrases prises du site de Serge Brunier, qui propose également un timelapse vidéo intitulé « 24 heures d’éternité en Atacama ».
« Le ciel peut demeurer bleu durant six, neuf ou douze mois d’affilée. La nuit, le ciel est d’une pureté sans égal. Lorsque le Soleil se couche en Atacama, le ciel vire très vite au bleu nuit, et des milliers d’étoiles, à l’éclat étrangement fixe, s’éveillent, tandis que le désert, invisible, vide et silencieux, semble disparaître. L’été, l’étoile Sirius du Grand Chien domine le ciel de sa lumière éclatante et glaciale comme un diamant. Rigel et Bételgeuse d’Orion l’accompagnent, rubis et saphir piqués sur le velours noir de la nuit. L’hiver, la voûte céleste n’est plus noire, mais comme poudrée d’étoiles. »
Alma est l’acronyme de « Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Vaste réseau d’antennes millimétrique-submillimétrique d’Atacama) ». Il est situé à 5’000 mètres d’altitude sur le plateau de Chajnantor. Plus qu’un simple télescope, il s’agit d’une série de 66 antennes disposées en réseau sur une surface de 16 km de diamètres. L’informatique permet aujourd’hui de relier des machines entre elles afin de créer une sorte d’immense télescope virtuel dont le miroir serait, pour Alma, équivalent à la superficie de la ville de Genève !
Mais Alma n’est pas un télescope optique. Il ne capte pas d’image visible par les yeux mais des ondes millimétriques et submillimétriques, beaucoup plus longues que les ondes visibles, qui sont ensuite reconstituées en images visuelles. « L’oeil » d’Alma pourra traverser les nuages de poussière dense, nombreux dans l’espace, et observer les régions les plus froides et anciennes de l’univers. Il observera la formation des premières étoiles et galaxies et scrutera le passage entre le Big Bang et l’univers tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il sera même capable de voir la formation des planètes autour de leur étoile et d’observer les trous noirs super massifs.
Cet instrument est considéré comme une révolution en astronomie par l’ESO (Observatoire européen austral) et ses partenaires internationaux.
« ALMA représente une véritable révolution. Nous pourrons faire des observations avec une résolution et une sensibilité bien meilleures qu'aujourd’hui et cela va complètement transformer notre vision d'une partie de l'univers, a expliqué Massimo Tarengui, représentant de l'ESO. Nous allons découvrir tellement de choses inconnues que ce sera une révolution totale, a-t-il déclaré à l’AFP ».
Contrairement aux télescopes optiques où infrarouges, Alma peut capter la faible lueur et les gaz présents dans la formation des premières étoiles, des galaxies et des planètes situées dans la zone la plus sombre, distante et froide (entre – 200 °C et – 260 °C) de l’univers. (...) Alma permettra également d’aller encore plus loin, de faire de l’astrochimie et de remonter jusqu’aux acides aminés qui sont à la source du vivant.
De la limite de son corps à celle de sa région, à celle de la Terre et du système solaire, puis de l'univers : inexorablement, les humains poursuivent la quête de leur origine et de la compréhension de leur univers et du vivant. Cette quête est importante en elle-même et pour ses retombées scientifiques. Les gouvernements l’ont compris qui financent des projets très coûteux et passionnants, bien que si peu politiques.
Source : http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/